Le mentor du Dragons prend du recul
L’entraineur gantois ne sera plus sur les bancs de touche l’an prochain. Il nous a permis de partager sa vision du coaching, de l’évolution du hockey vers plus de professionnalisme.
Qui est Jean Willems ?
Avant de devenir le coach à succès du Dragons, Jean Willems a d’abord trusté les lauriers en tant que joueur. Il a cumulé plus de 300 sélections en équipe nationale, a participé à 2 coupes du Monde, des Championnats d’Europe, a remporté 3 titres de champion de Belgique avec le Dragons (où il a joué une dizaine de saisons), 2 sticks d’or avant de débuter sa carrière d’entraîneur à l’Herakles, de rejoindre l’Orée et ensuite le Dragons depuis plusieurs années. Il y gagnera 4 titres consécutifs de champion de Belgique, une place de finaliste et deux troisièmes places en EHL.
Du côté professionnel, Jean Willems est administrateur de Sports & Leisure Group, le plus grand producteur européen de revêtements de surface sportive de haute qualité.
Il est également le papa de Tommy (Watducks), Louis (Orée), Juliette et Agathe (Racing) qui jouent actuellement en DH.
Sa vision du coaching
« Un bon coach doit avant tout savoir bien s’entourer, tant du point de vue du staff que des joueurs mis à sa disposition. L’environnement et l’encadrement, que ce soit dans le milieu professionnel ou sportif, doivent être constitués de personnes compétentes, qui ont une même vision. Car un bon coach doit pouvoir déléguer vers son staff. Le travail a toujours été une valeur primordiale à mes yeux, se plaindre ne fait pas partie de mon vocabulaire. Avoir envie de faire progresser son noyau, les jeunes, donner des possibilités à ses joueurs d’évoluer, voilà ce qui me pousse à entrainer. L’éthique de travail est importante, le noyau doit accepter les remarques entre joueurs et staff. J’essaye aussi un maximum de responsabiliser les joueurs, car ce sont eux qui dicteront en fin de compte les résultats. Même si je fais énormément de statistiques à tous les niveaux et que j’essaie d’aller un maximum dans les détails, je ne contrôle pas mon noyau excessivement. Un joueur qui ne se soigne pas s’éliminera tout seul et ne jouera pas. En exposant ces statistiques, les joueurs se responsabilisent. Faire partie d’un noyau de DH demande une hygiène de vie irréprochable. Je ne suis pas un entraineur « professionnel », j’ai ma carrière chez Domo Sport Grass à côté de mon poste au Dragons. Cela peut s’avérer être un avantage, car lorsque je me tourne vers le hockey, je suis uniquement focalisé sur mon équipe et les possibilités d’amélioration du niveau de l’équipe. Avoir un travail à côté du hockey demande une bonne organisation. Gérer une grande société apporte beaucoup dans le coaching et vice-versa. »
La gestion d’un noyau
« Le moteur dans le sport reste la victoire, l’obtention de résultats. J’ai toujours essayé d’inculquer cette mentalité de gagnant au Dragons. Gagner ne se fait pas seul, mais en travaillant en équipe, en s’entourant de personnes compétentes. Il est important que les joueurs, le staff adhèrent tous au même discours, à la même vision pour parvenir aux résultats. Gérer un groupe est un processus valorisant, y arriver est grisant lorsque l’on atteint les objectifs fixés préalablement. Le respect et la confiance mutuelle entre tous sont de mises. Quand les joueurs sont responsabilisés sur leurs tâches, ils adhèrent rapidement au projet. Il faut être capable de se dire les choses en face lorsque les problèmes surviennent, ne jamais mentir aux joueurs. Cela va dans les deux sens, le staff doit aussi savoir accepter les critiques, il doit pouvoir entendre les choses à améliorer, à discuter.J’ai souvent joué avec un noyau fixe, pour deux raisons principalement. Tout d’abord, la condition physique des joueurs en DH est bonne, et les changements sont réguliers. En DH, il y a en moyenne 7 PC par match avec une durée de presque 2 minutes par PC ce qui permet aux joueurs de récupérer complètement. Mes joueurs sont imprégnés de l’envie de gagner, lorsqu’ils remontent, ils sont prêts. Ensuite, il faut aussi savoir faire tourner son noyau, ce qui n’est pas toujours possible. Tout bon noyau implique une concurrence, elle doit exister dans un noyau, il faut la créer. Car elle oblige les joueurs à se remettre en question, à travailler d’arrache-pied.»
La professionnalisation du hockey
« La professionnalisation des équipes nationales a lancé le mouvement. Les joueurs de l’équipe nationale sont des joueurs pros, ils sont payés pour jouer au hockey. Ils y ont un encadrement très performant, côtoient ce qui se fait probablement de mieux en Belgique. Dès lors, lorsque ces joueurs rentrent dans leurs clubs, ils élèvent le niveau de l’équipe, mais il faut que ces joueurs soient accueillis par les clubs dans des bonnes conditions.
Le professionnalisme qui règne en équipe nationale rejaillit vers les clubs, qui suivent ce mouvement. Ce n’est pas facile, car cela demande beaucoup de travail, des investissements, pour parvenir à se rapprocher du niveau de professionnalisme qui règne en sélection. Au Dragons, nous demandions à nos internationaux, en quelques sortes nos ambassadeurs, de participer à deux séances d’entrainement par semaine. Ces séances doivent être dures, mais « ludiques ». Les joueurs qui font partie du noyau de l’équipe nationale n’y sont pas par hasard. Ils ont une éthique de travail exemplaire, ils doivent recevoir des clubs un entraînement de haut niveau, qualitatif, avec un staff compétent.
La professionnalisation du hockey passe (ou passera) aussi par l’aspect financier/contractuel. Les salaires des joueurs commencent à augmenter, les clubs doivent être capables de suivre cette inflation afin de pouvoir cibler les personnes importantes du staff et du noyau qui doivent recevoir un bon contrat, pour éviter de devoir tout reconstruire lors de leurs départs. Il faut avoir une vision d’avenir à moyen et long terme, et pas uniquement sur l’année en cours ou la suivante. A l’heure actuelle, des joueurs peuvent se désaffilier en fin d’année et rejoindre un autre club sans dédommagement ou presque. La professionnalisation du hockey passera par là. Les clubs doivent pouvoir se protéger en donnant de bons contrats à leurs piliers, afin qu’ils ne partent pas, ou alors contre un bon dédommagement qui pourra permettre aux clubs de les remplacer.
La formation des coachs doit également s’améliorer. Nous sommes encore loin du niveau du football. Par exemple, les entraîneurs de foot en formation peuvent se rendre en stage auprès des plus grands entraîneurs pour les côtoyer durant quelques semaines. Ils apprennent aux cotés des meilleurs, peuvent discuter avec le coach de Barcelone, de Chelsea. Dans le milieu du hockey, nous n’en sommes pas encore là. Même chose pour la formation des jeunes, il y a encore une marge de progression énorme dans ce domaine, dans le suivi des jeunes, en comparaison avec le football. Cela m’insupporte de voir des entraînements de jeunes où ils sont plus de 50% du temps à l’arrêt. »
EHL, la suite
« J’ai remporté plusieurs titres avec le Dragons, et j’y ai passé des très bons moments mais si je dois avoir des regrets, ce serait en EHL. Nous avons été finaliste et deux fois troisième. En gardant le noyau mis à ma disposition les deux premières saisons, avec des jeunes en pleine progression, nous aurions pu la remporter. Ce qu’a fait Xavier De Grève avec le Watducks cette année est exceptionnel. Beaucoup ne se rendent pas compte de la portée de ce résultat. L’EHL reste pour les clubs le graal. Au cours de la défunte saison, nous avons eu beaucoup de départs. Il était impossible ou presque de tous les remplacer. Nous avons joué les demi-finales du championnat, et l’EHL. Il y a une bonne base mise en place pour que le Dragons retrouve à nouveau les sommets. Je vais profiter de mes dimanches de libre pour suivre les matchs de mes enfants. Je pourrai aussi suivre les chocs du championnat Hollandais, ainsi que le championnat belge. Il sera disputé, certaines équipes se sont bien renforcées. »
Damien Russel