Un article du Hockey Player magazine n°81
La Pro League reprend la semaine prochaine pour les Red Panthers, une occasion idéale pour dresser le portrait de la Red Panther Hélène Brasseur !
À 22 ans, Hélène Brasseur, qui compte déjà plus de soixante sélections en équipe nationale, est devenue un pilier de la défense centrale des Red Panthers. Si la quadruple championne de Belgique en titre, élue “Rising Star” 2022, est de nature timide et introvertie, elle affiche un tout autre visage sur le terrain.
Par Boris Rodesch
À quel âge as-tu commencé à jouer au hockey?
Vers 4-5 ans. Mon papa jouait à l’Indiana, et j’étais présente tous les dimanches au bord du terrain avec mon petit frère. J’ai tout de suite adoré ce sport. Je jouais aussi au tennis mais je me suis concentrée exclusivement sur le hockey quand j’ai commencé à m’entraîner avec les Be Gold en U14.
Tu évoluais déjà en défense?
Au départ, j’aimais bien jouer au goal, mais mes parents n’étaient pas très motivés à l’idée que je devienne gardienne. J’ai alors très vite joué en défense et parfois aussi dans le milieu jusqu’en U16. À l’époque, je préférais déjà récupérer les balles et gagner des duels que marquer des goals.
Avais-tu un modèle parmi les hockeyeuses ?
Lorsque j’ai commencé à suivre les Red Panthers, en U12, j’aimais particulièrement regarder jouer Barbara Nelen et Alix Gerniers.
Quel a été ton parcours en club ?
Je suis restée jusqu’à mes quinze ans à l’Indiana. J’étais déjà reprise avec les Be Gold où il y avait deux filles qui jouaient à Bruges et j’ai choisi de les rejoindre en U16. Je suis restée une saison et j’ai ensuite signé à la Gantoise. J’entame désormais ma huitième saison.
En rejoignant la Gantoise, avais-tu déjà l’ambition de jouer avec les meilleures joueuses ?
Oui, le hockey prenait de plus en plus de place dans ma vie et je voulais continuer à progresser en évoluant avec les meilleures joueuses. Au départ, j’espérais participer à des entraînements avec l’équipe première et éventuellement être sélectionnée pour certains matchs, mais tout a été très vite. J’ai directement intégré le noyau A et j’ai participé à tous les matchs en défense centrale, aux côtés d’Estelle Meulemans.
Avais-tu déjà en tête la perspective de pouvoir un jour participer aux Jeux Olympiques ?
C’était un rêve mais je n’y croyais pas vraiment. Lors de mes deux premières saisons à la Gantoise, je me disais juste qu’il fallait en profiter à fond. C’était déjà un honneur de pouvoir jouer en DH avec toutes ces stars autour de moi. Sachant aussi que chez les jeunes, contrairement à des joueuses comme Charlotte Englebert ou Vanessa Blockmans, je ne sortais pas vraiment du lot. J’ai commencé à prendre confiance et c’est lors de ma quatrième saison au club, quand j’ai été sélectionnée pour la première fois avec les Red Panthers, que j’ai
« osé » penser aux Jeux.
Quelle est la performance olympique belge qui t‘a le plus impressionnée ?
La médaille d’or des Red Lions à Tokyo. Les voir réaliser ce fameux triplé, champions d’Europe, champions du Monde et champions Olympiques, c’était magnifique. De mon côté aussi, je n’oublie pas que mon grand-père, qui est décédé en 2005, a participé deux fois aux Jeux
Olympiques en escrime. À chaque match, j’avais une petite pensée pour lui.
Que retiens-tu de ta première sélection avec les Red Panthers ?
C’était en Pro League, à Dusseldorf, pour une double confrontation contre l’Allemagne. Niels Thijssen était le coach des Red Panthers. J’avais 18 ans. Avec Vanessa Blockmans et Anne Sophie Roels, nous fêtions toutes les trois notre première sélection. Nous avons perdu deux fois mais ça reste un très grand souvenir, même si en raison de la crise sanitaire, nous avions dû jouer dans un stade vide.
On imagine que les nombreuses Red Panthers de la Gantoise ont facilité ton intégration en équipe
nationale ?
Oui, c’était important, surtout pour une joueuse relativement introvertie. Elles m’ont permis d’être plus à l’aise. Notamment Barbara Nelen, puisque nous étions dans la même chambre lors de mes premières sélections.
Si tu es de nature timide dans la vie de tous les jours, sur le terrain, c’est une toute autre histoire…
C’est clair que je ne suis pas la même personne. Sur le terrain ou avec le groupe, je me sens vraiment à ma place, c’est comme une deuxième famille. Je réfléchis beaucoup moins et je suis toujours prête à tout donner pour mes partenaires.
Tu participes ensuite à l’Euro 2021 et à la Coupe du Monde 2022 avec les Red Panthers, alors que tu n’avais encore jamais joué un tournoi international avec les U21.
En revanche, au lendemain de la Coupe du Monde avec les Red Panthers, je suis quand même retournée dans le groupe des U21 pour jouer l’Euro, à Gand, où nous avions perdu en finale aux shoot-outs contre l’Allemagne. Nous avions une super équipe, avec, entre-autres, Charlotte Englebert et Delphine Marien. Pouvoir jouer devant nos amis et nos familles, c’était genial! Nous aurions aussi dû participer à la Coupe du Monde U21, en Afrique du Sud, mais elle a été annulée en raison du Covid.
(NDLR: Les Red Panthers finiront 3e à l’Euro 2021 et 6e à la Coupe du Monde 2022).
À partir de ce moment-là, tu te consacres à 100% au hockey ?
J’ai pris cette décision après l’Euro 2021 avec les Red Panthers. J’avais déjà commencé des études en Bio-ingénieur à l’Université de Gand mais ça ne me plaisait pas. Je me suis alors inscrite en Science Biomédicale, en répartissant mes cours sur deux ans afin de pouvoir tout donner aux Red Panthers. Je suis aujourd’hui en deuxième année, le hockey reste ma priorité, mais j’ai réussi à trouver un bon équilibre, qui me permet d’avancer dans mes études.
As-tu néanmoins parfois l’impression de passer à côté de ta jeunesse ?
Absolument pas, c’est mon choix et je suis la plus heureuse. Je reçois tellement en retour. J’ai la chance de vivre des émotions uniques grâce au hockey.
Comme lorsque tu as inscrit ton premier goal avec les Red Panthers ?
C’était aux Jeux de Paris lors de notre troisième match de poule contre le Japon, dans le deuxième quart-temps. Sur une phase de PC, la balle arrive parfaitement dans mon stick et j’ouvre le score. J’étais tellement émue, j’ai commencé à pleurer avant de me rattraper en me disant qu’il y avait encore plus de la moitié du match à jouer. Toute ma famille et mes copines étaient présentes dans le stade, c’est un moment très spécial que je n’oublierai jamais. Comme nous avions remporté nos deux premiers matchs contre la Chine et la France, cette rencontre était cruciale pour éviter la Hollande en quart de finale et en demi-finale. On a finalement battu le Japon 3-0, avant de réaliser notre meilleur match du tournoi face aux Allemandes.
On connaît la suite, vous battez l’Espagne en quart avant de perdre en demi-finale contre la Chine, et en petite finale contre l’Argentine. Aujourd’hui, la déception d’être passée si proche d’une médaille olympique a-t-elle laissé la place à la satisfaction ?
Cela a été très difficile mentalement. Perdre deux fois aux shoot-outs, c’était dur, particulièrement après la défaite contre l’Argentine. Il y a eu beaucoup de larmes mais ça passe tout doucement et nous sommes désormais fières de cette quatrième place. Je me dis aussi que tout arrive pour une raison. Nous avons montré au monde du hockey ce que nous valions réellement et les plus grandes nations savent qu’il faudra désormais compter avec nous.
La déception a dû être terrible, notamment pour les anciennes qui arrêtent l’équipe nationale ?
C’était très dur. Prenez Barbara Nelen et Aisling D’Hooghe, elles ont tout donné pendant quinze ans pour les Red Panthers et pour le développement du hockey féminin en Belgique. Bab’s, c’est une légende, elle aurait tellement mérité cette médaille pour l’ensemble de sa carrière. Je n’ai pas les mots pour décrire la déception dans le vestiaire après la petite finale. C’était compliqué après la défaite en demi-finale, mais nous avions réussi à nous focaliser assez rapidement sur le match suivant, en pensant à la médaille de bronze. Perdre une deuxième fois aux shoot-outs, nous étions toutes abattues mais nous sommes restées solidaires et unies.
Avec le recul, vous étiez-vous assez entraînées aux shoot-outs ?
L’équipe ayant déjà perdu deux fois aux shoot-outs dans les matchs décisifs pour la qualification aux Jeux de Rio et de Tokyo, nous nous étions énormément entraînées depuis quatre ans. Mais au final, c’est surtout dans la tête que ça se joue. Il y avait une dizaine de joueuses qui avaient un très bon shoot-out, mais ça n’a malheureusement pas suffi…
Si c’est très dur pour celles qui arrêtent, l’histoire est différente pour la nouvelle génération. Après avoir enchaîné une médaille de bronze et une médaille d’argent à l’Euro, signer une quatrième place aux Jeux, c’est frustrant, mais ça reste un résultat exceptionnel ?
Cette performance nous a aussi permis de monter sur le podium du ranking mondial en passant devant l’Allemagne. Lors de mes premières sélections, nous étions douzièmes. Tout ce chemin parcouru en 3-4 ans, c’est une source de motivation énorme. L’objectif du groupe est maintenant de rester sur ce podium et d’aller chercher une médaille à chaque compétition.
Si l’on revient sur cette première expérience olympique, retiens-tu une anecdote en particulier ?
Nous étions à trois avec Delphine Marien et Lien Hillewaert dans le village olympique quand nous avons croisé Rafaël Nadal et Carlos Alcaraz. Quel souvenir, on en a profité pour prendre une photo. Je me souviens aussi de la cérémonie de clôture, ce moment où tu entres dans le stade avec le Team Belgium et que tout le
stade t’applaudi, c’était dingue. Et pour revenir au hockey, pouvoir jouer dans ce stade olympique, c’était juste incroyable, je n’avais jamais vu autant de supporters belges réunis. On commençait à peine à s’échauffer et ils nous encourageaient déjà, c’était très stimulant.
Ce serait quoi le meilleur souvenir de tes Jeux ?
Il y a eu cette victoire en quart — face aux espagnols — dans un match que nous avons maîtrisé du début à la fin, mais également la rencontre contre l’Allemagne, qui était, selon moi, notre plus beau match. Pouvoir afficher son meilleur niveau dans une telle compétition, c’était grandiose. Au final, jouer aux Jeux Olympique, c’est un rêve qui devenait réalité. J‘ai profité de chaque instant.
Pour revenir à l’actualité des Red Panthers, as-tu été surprise par le départ de Raoul Ehren ?
Il était encore sous contrat pendant deux ans et j’espérais qu’il continue. Il nous a apporté tellement de confiance en étant convaincu depuis le début que nous avions le potentiel pour aller chercher une médaille olympique. Je suis surprise et triste à la fois. Mais ce qui est certain, c’est qu’on ne lui fera aucun cadeau lors du prochain affrontement entre la Belgique et la Hollande… Après, on lui pardonne et on comprend que c’était difficile de refuser l’opportunité de coacher la meilleure équipe au monde, sachant aussi qu’il est Hollandais.
As-tu des informations concernant le futur coach des Red Panthers ?
Non, on a commencé les entraînements avec notre ancien T2, Tim White, et Jeroen Baert, et ça s’est très bien passé. Même si je dois avouer que c’était aussi un peu bizarre. Il y avait beaucoup de nouvelles têtes puisque Bab’s, Ash, Abigail Raye, Louise Versavel ou encore
Tiphaine Duquesne ne sont plus là.
Quel est justement le coach qui a été le plus important pour toi ?
Il y a bien-sûr Kevan Demartinis et Pascal Kina qui m’accompagnent depuis sept ans à la Gantoise. Chez les Red Panthers, j’ai fêté ma première selection avec Niels Thijssen, mais je retiens surtout Raoul Ehren. La confiance qu’il a su donner au groupe a été essentielle pour le développement de l’équipe. J’ai énormément progressé avec lui parce qu’il insistait très fort sur les aspects purement défensifs. Enfin, il ne faut pas oublier l’importance des joueuses comme Bab’s et Alix. En débarquant si jeune à la Gantoise et en équipe nationale, c’était une chance inouïe de pouvoir profiter de leur expérience.
Si tu devais pointer du doigt la différence entre le niveau national et international ?
Le rythme et l’intensité. En match mais aussi aux entraînements. Sur le plan technique, tout va tellement plus vite, et physiquement, les contacts sont plus rudes. La concurrence nous oblige à être sans cesse à notre meilleur niveau, tandis qu’en club, aux entraînements surtout, c’est parfois plus ludique.
Si tu devais définir le type de joueuse que tu es ?
Plutôt instinctive et courageuse avec un bon timing dans mes tacles défensifs.
Que peux-tu encore améliorer ?
Il me reste une belle marge de progression à la balle et aussi dans mes techniques de passes. Shoot, push, flick, flat, je dois pouvoir varier mon jeu plus souvent et oser des passes verticales plus tranchantes. Il me manque un peu de culot pour prendre plus de responsabilités. Cela va déjà mieux en club, où j’ose prendre plus de risques. Défensivement aussi, je peux encore m’améliorer pour remporter plus de duels.
As-tu l’impresssion de montrer un meilleur visage avec la Gantoise?
C’est différent, j’ai un rôle plus offensif en club. J’évolue aussi en défense centrale mais je suis plus libre, un peu à la façon de Stéphanie Vanden Borre chez les Red Panthers. En équipe nationale, je joue plus comme un dernier homme.
Evoluer aux cotés de Stéphanie en équipe nationale, c’est une chance…
Oui, c’est une joueuse exceptionnelle. Ses longues passes, son pc, elle est très forte. Ce n’est pas un hasard si elle est nominée pour remporter le titre de la meilleure joueuse au monde.
Si tu pouvais prendre une compétence en particulier d’une Red Panthers ou d’un Red Lions ?
La passe en shoot de Bab’s.
Charlotte Englebert a quitté le championnat de Belgique l’été dernier pour rejoindre le championnat hollandais. Cela te donne des idées ?
J’y pense clairement depuis un an. Pouvoir évoluer dans le meilleur championnat au monde, ce serait un beau challenge et ce sera peut-être nécessaire si je veux encore franchir un cap.
As-tu déjà l’impression d’avoir fait le tour de notre compétition ?
Je me dis parfois que j’aimerais découvrir un autre championnat, une autre façon de jouer au hockey avec des systèmes tactiques différents, d’autres joueuses et d’autres coaches. Et puis, au-delà du plan purement sportif, ça pourrait être une expérience de vie très enrichissante.
Qu’est-ce-qui pourrait empêcher la Gantoise de remporter un cinquième titre consécutif ?
Nous-mêmes, parce que je pense que si nous jouons toutes à notre niveau, ce sera une nouvelle fois difficile pour nos adversaires. Attention quand même au Braxgata qui a aussi une excellente équipe avec, entre-autres, plusieurs Panthers et l’américaine, Caarls Sanne, qui est une excellente milieu de terrain.
Ce que tu préfères au hockey ?
L’esprit de compétition et le fait que ce soit un sport collectif.
Ce qui t’ennuie le plus ?
L’échauffement avant les matchs et les entrainements, ce n’est pas nécessaire (rires.)
Ta journée off idéale ?
Aller à la mer me balader, chiller avec des copines et faire du catamaran. J’aime aussi jouer au golf, au tennis et au padel.
Quelle a été ta plus belle 3e mi-temps ?
Quand on a gagné notre 3e titre avec la Gantoise aux shoot-outs contre le Dragons.
Pour conclure, tu ne serais jamais devenue hockeyeuse si…
Si mon papa ne m’avait pas emmenée au hockey dans mon buggy pour assister à ses matchs.
LA RED PANTHER PARFAITE
Le mental : Michelle Struijk
La combativité : Alix Gerniers
Le shoot en coup droit : Charlotte Englebert
Le shoot en revers : Ambre Ballenghien
La passe : Stéphanie Vanden Borre
Le flick : Emma Puvrez
Le dribble : Barbara Nelen
La condition physique : Judith Vandermeiren
Le sprint : Charlotte Englebert
Le shootout : /
Vision du jeu: Barbara Nelen